L'ÉVOLUTION DE L'INDUSTRIE DE L'OCRE

La découverte de l'ocre

L'ocre a été découverte dès la préhistoire, nos ancêtres peignaient déjà sur les surfaces des cavernes avec 3 couleurs : le noir charbon, l'ocre rouge et l'ocre jaune. Ils savaient même la faire chauffer pour intensifier les couleurs. Tout au long de notre existence, de nombreuses civilisations les ont utilisées, notamment les Romains pour la peinture de leurs fresques. A partir de la fin du XVIIIème siècle, elle servira à d'autres usages dans le secteur de l'industrie. Aujourd'hui l'ocre est essentiellement utilisée dans le bâtiment.

Le saviez-vous ? Les argiles jaunes et orangées sont plus abondantes que les rouges. Utilisées sur leur peau et les parois des cavernes, les hommes découvrirent vers -350 000 ans avant J.C qu’il était possible de transformer l’ocre jaune en ocre rouge par la cuisson.
Portrait de Jean Etienne Astier

L'épopée industrielle de l'ocre dans le Vaucluse

 

A la fin du XIXème siècle, une terrible période de récession mit à mal le secteur de l’agriculture dans le Vaucluse provoquant l’exode rural. La montée en puissance de la production d’ocre sauva une partie de population rurale, jusqu’ici dispersée dans les campagnes.

C’est en 1780, que Jean Etienne Astier, un natif de Roussillon et premier fabricant d’ocre, découvre les propriétés de l'ocre. Il initie le lavage et le broyage de l’ocre par la mise en place d’un processus industriel permettant la séparation de l’ocre et du sable. L'économie du Vaucluse sera boulversée par cette découverte qui permettra à l’industrie de l’ocre de connaître de belles années de gloire dans les deux siècles à venir. À cette époque, les premiers producteurs opéraient de manière artisanale en utilisant des outils agricoles. Les techniques se sont modernisées par la suite mais le procédé est resté sensiblement le même. 

L'arrivée du chemin de fer dans le Pays d'Apt 

Bénéficiant de voies navigables, les ocres de Bourgogne devançaient largement le marché des ocres du Vaucluse avant les années 1890. L'arrivée à Apt en 1877 du chemin de fer booste considérablement le développement de la filière industrielle de l'ocre. La production artisanale laisse place à une industrie prospère.

La nouvelle ligne de chemin de fer, reliant Apt à Cavaillon, sur le trajet de la célèbre ligne PLM (Paris-Lyon-Marseille), permettra d'acheminer les tonneaux d'ocre jusqu'à Marseille avant d'être expédiés par bateaux. Par le train, le transport est bien plus rapide et les quantités d'ocre exportées sont exponentielles. De 1890 à 1930, l’industrie de l’ocre est à son apogée et l’ocre est envoyée dans le monde entier. En 1895, le Vaucluse s’impose comme le premier producteur d’ocre avec 19 exploitations, concurrençant de loin les ocres de Bourgogne.

En 1890 ce sont environ 10 000 tonnes d’ocre exportées, 22 000 tonnes en 1900 et 36 000 tonnes en 1914. Le pic de production atteint les 40 000 tonnes en 1929. L’activité industrielle en pleine expansion, compte une soixantaine de carrières, 20 usines et plus de 1000 ouvriers.

 

 

La crise économique des années 30

Malheureusement, la crise économique internationale des années 30 n’épargne pas cette industrie et aura de lourdes conséquences sur sa croissance. Dans les années 1940, les commandes chutent, le déclin de l’ocre est fatal, provoqué par l’arrivée des produits dérivés du pétrole qui remplacent l’ocre dans la fabrication du caoutchouc et par la généralisation des colorants synthétiques, le commerce de l’ocre est lourdement impacté. Cette fragilité conduit de nombreuses usines à la cessation et à la fermeture de leur activité.

La Société des Ocres de France (SOF) créée en 1901, maintient son activité tant bien que mal malgré toutes les difficultés rencontrées, mais elle déposera une demande de cessation d’activité en 1973. Gilbert Guigou, Aptésien, décide de reprendre l’entreprise et de lui donner un nouveau souffle en 1974.

Le saviez-vous ? À cette époque, l'ocre n'est pas utilisée uniquement pour son pouvoir colorant mais comme épaissisant. L'ocre est l'ingrédient parfait pour la prodcution du caoutchouc, elle fournit la couleur et la charge minérale qui permet d'apporter ce qu'on appelle la "masse" au produit. Vous ne le savez peut-être pas, mais vous avez forcément utilisé un produit composé d'ocre ; la gomme rose et bleu, les joints d'étanchéité orange de vos bocaux ou même les anciennes chambres à air des vélos ou voitures.

L'industrie des ocres aujourd'hui 

Aujourd’hui, la Société des Ocres de France est encore en activité, elle continue la production en alliant méthodes traditionnelles et techniques nouvelles. C’est la famille Guigou, dirigeante de la société, qui extrait l’ocre de la dernière carrière exploitée sur la commune de Gargas.

À ce jour, la SOF produit et exporte environ 1000 tonnes par an.

Longtemps exploitées, les carrières d’ocre à ciel ouvert et souterraines sont devenues pour certaines des sites touristiques. Elles témoignent de l’activité géologique qui a donné naissance à ce minerai coloré et met en lumière le labeur des hommes qui ont façonnés le paysage.

Les anciennes carrières à ciel ouvert de Rustrel, que l’on nomme aujourd’hui Colorado Provençal sont ouvertes à la visite, tout comme le Sentier des Ocres à Roussillon. Depuis 2009, les Mines de Bruoux situées à Gargas sont ouvertes au public en visite guidée uniquement.